Ce lundi 21 avril 2025 restera marqué par un mouvement social sans précédent dans le secteur médical tunisien. La Organisation Tunisienne des Jeunes Médecins (OTJM) a lancé un arrêt de travail national affectant l’ensemble des activités hospitalières universitaires et des facultés de médecine. Internes, résidents et étudiants en médecine sont massivement mobilisés, entraînant un ralentissement critique des services dans les structures de santé publiques.
Un mouvement unitaire aux revendications multiples
L’appel à la grève, suivi dans la majorité des hôpitaux universitaires et des facultés de médecine, vise à dénoncer des conditions de travail jugées « insoutenables » par les praticiens en formation. Parmi les doléances figurent l’amélioration des rémunérations, la révision du système de gardes, et une meilleure prise en charge des risques professionnels. Les manifestants réclament également une refonte des programmes de formation, qu’ils estiment inadaptés aux réalités du terrain.
Impact immédiat sur le système de santé
Les urgences, services de consultations externes et blocs opératoires des centres hospitalo-universitaires (CHU) ont enregistré un ralentissement notable de leurs activités. Certains services ont fonctionné en mode dégradé, avec un personnel réduit aux seuls médecins titulaires non-grévistes. Des reports de consultations non urgentes et d’interventions chirurgicales programmées ont été signalés dans plusieurs régions.
Une mobilisation générationnelle
Particularité de ce mouvement : son ancrage parmi les jeunes praticiens. « Nous cumulons des gardes de 24 à 48 heures sans compensation horaire ou financière adéquate », explique un interne en anesthésie-réanimation sous couvert d’anonymat. Les revendications s’étendent à la précarité des contrats de résidanat et au manque d’équipements dans les services.
Réactions institutionnelles et perspectives
Aucune déclaration officielle n’avait été publiée par le ministère de la Santé au moment où cet article est rédigé. Des sources syndicales évoquent toutefois des « discussions informelles » en cours pour désamorcer la crise. La grève intervient dans un contexte de tension récurrente sur les moyens alloués à la santé publique, alors que plusieurs rapports pointent l’épuisement professionnel chez les jeunes médecins.
Enseignements et suites à venir
Cette mobilisation relance le débat sur la modernisation du système de santé tunisien, particulièrement concernant la formation médicale. Les grévistes demandent l’intégration de modules sur la gestion du stress et la rémunération des heures supplémentaires dans le cursus universitaire. L’absence de réponse immédiate des autorités laisse présager un possible durcissement du mouvement si les négociations n’aboutissent pas rapidement.
Analyse des enjeux structurels
Au-delà des revendications salariales, la crise met en lumière des dysfonctionnements chroniques :
-
Surcharge administrative entraînant des retards dans l’affectation des résidents
-
Disparités régionales dans l’accès aux équipements médicaux de pointe
-
Délais d’attente prolongés pour l’obtention des diplômes de spécialisation
Les observateurs soulignent le risque d’une fuite des compétences vers le secteur privé ou l’étranger si aucune réforme structurelle n’est engagée.
Témoignages et ambiance sur le terrain
Devant la faculté de médecine de Tunis, des centaines d’étudiants ont organisé un sit-in pacifique. « Nous soutenons nos collègues en formation : leur combat est aussi le nôtre », lance une étudiante en 5e année. Dans les CHU, l’atmosphère reste tendue mais calme, les grévistes ayant veillé à maintenir un service minimum pour les cas vitaux.
Comparaison avec les mouvements antérieurs
Contrairement aux grèves sectorielles de 2022-2023 centrées sur les salaires, cette mobilisation transversale touche l’ensemble du parcours médical – de la formation initiale à l’exercice hospitalier. Elle s’inscrit dans la continuité des protestations de 2024 contre la réforme des ECN (Épreuves Classantes Nationales), mais avec une radicalisation notable des modes d’action.
Répercussions sur la formation médicale
Les cours magistraux et travaux pratiques ont été suspendus dans la plupart des facultés, perturbant le calendrier académique. Certains doyens ont tenté de maintenir les enseignements en distanciel, avec un succès mitigé compte tenu de l’adhésion massive au mouvement.
Regards croisés sur la crise
Des professionnels expérimentés expriment leur solidarité prudente. « Je comprends leur colère, mais il faut préserver l’accès aux soins », tempère un chef de service en cardiologie. À l’inverse, des internes dénoncent un « système qui repose sur l’exploitation des jeunes praticiens ».
Scénarios possibles pour les prochains jours
La persistance du mouvement dépendra largement de la réponse gouvernementale. Deux options se dessinent :
-
Négociations express avec annonce de mesures d’urgence (prime exceptionnelle, révision du statut des résidents)
-
Durcissement avec extension aux médecins titulaires et perturbation majeure des services hospitaliers
Enjeux internationaux et comparaisons régionales
La situation tunisienne reflète une tendance méditerranéenne, où les systèmes de santé publics subissent une pression accrue (Maroc 202, Algérie 2024). Cependant, la spécificité locale réside dans la convergence inédite entre revendications universitaires et hospitalières.
Perspectives à moyen terme
Cette grève pourrait marquer un tournant dans les relations sociales au sein du secteur médical. Elle intervient à un moment clé où la Tunisie doit réformer son système de santé pour répondre aux attentes d’une population vieillissante et aux nouveaux défis sanitaires.
Mobilisation citoyenne et soutiens inattendus
Des collectifs de patients et associations de défense des droits humains ont exprimé leur soutien conditionnel aux grévistes, tout en appelant à protéger les services vitaux. Un équilibre délicat entre droit de grève et accès aux soins qui dominera probablement les prochaines heures de ce conflit social.
Le poids des réseaux sociaux dans la mobilisation
Des hashtags comme #SauvezNotreSanté et #MédecinsEnDétresse ont trendé sur Twitter, révélant une stratégie communicationnelle bien orchestrée. Les vidéos de services déserts et de manifestants pacifiques circulent largement, donnant une dimension nationale à ce qui était initialement un mouvement corporatiste.
Conclusion implicite
Alors que la tension monte dans les couloirs des CHU, une question persiste : cette grève historique parviendra-t-elle à infléchir les politiques sanitaires tunisiennes, ou ne sera-t-elle qu’un épisode de plus dans la longue liste des alertes ignorées ? La réponse dépendra autant de la détermination des grévistes que de la capacité des autorités à repenser un système à bout de souffle.