Le site archéologique de Sbeïtla, niché au cœur de la région de Kasserine, a vibré ce mardi au rythme de l’histoire et de la mémoire collective lors de la seconde édition de la prestigieuse « Nouveau de l’Andalousie ». Placée sous le thème évocateur « Grenade : vestiges, réalité et perspectives », cette rencontre scientifique internationale a réuni chercheurs, universitaires et passionnés du patrimoine autour d’un héritage qui continue de fasciner et d’interroger le monde arabo-musulman.
Un carrefour de civilisations revisité
Grenade occupe une place singulière dans l’imaginaire et l’écriture arabes. Devenue capitale de la dynastie nasride en 1, après l’effondrement de l’empire almohade, la ville s’est imposée comme le dernier bastion de l’Islam en Andalousie jusqu’à sa chute en 1. Son histoire, marquée par un raffinement architectural, une diversité culturelle et une effervescence intellectuelle, en fait un symbole unique de coexistence et de dialogue entre les civilisations musulmane et chrétienne.
La conférence de Sbeïtla a ainsi choisi de rouvrir les « carnets de Grenade », en explorant non seulement la richesse de son passé, mais aussi la manière dont sa mémoire irrigue encore aujourd’hui la culture, la pensée et l’identité arabes. Un pari ambitieux, à l’heure où la question de la mémoire collective et du dialogue interculturel s’impose avec acuité.
Des axes de réflexion multiples
Les travaux de la conférence se sont articulés autour de plusieurs axes majeurs :
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La diversité humaine à Grenade : La ville fut un creuset de diversité sociale, religieuse et ethnique. Juifs, chrétiens et musulmans y cohabitaient, donnant naissance à une société plurielle, marquée par le dialogue mais aussi par la tension et le défi du vivre-ensemble.
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La vie politique et l’évolution des pouvoirs : De l’époque des gouverneurs omeyyades à la domination almoravide, puis à l’apogée nasride, Grenade a connu de profondes mutations politiques. L’émirat des Nasrides, en particulier, a su préserver son autonomie et sa prospérité pendant plus de deux siècles grâce à une diplomatie habile et une gestion rigoureuse de ses affaires internes.
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L’effervescence intellectuelle et artistique : Grenade fut le berceau d’une production littéraire et scientifique foisonnante. Des figures comme Ibn al-Khatib ont marqué de leur empreinte la poésie et l’histoire. L’enseignement et la transmission du savoir y occupaient une place centrale, faisant de la ville un phare du monde andalou.
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L’architecture et le mythe de l’Alhambra : Le palais de l’Alhambra, chef-d’œuvre incontesté de l’art islamique, demeure l’un des symboles les plus puissants de la grandeur andalouse. Sa beauté continue d’inspirer artistes et voyageurs du monde entier, témoignant de la capacité de Grenade à traverser les siècles et à nourrir l’imaginaire collectif.
Grenade, trait d’union entre passé et avenir
Au-delà de la célébration du passé, la conférence de Sbeïtla a mis l’accent sur l’actualité brûlante de la question andalouse. Grenade n’est pas seulement un souvenir : elle incarne un modèle de coexistence, un laboratoire d’idées et un espace de créativité qui interpelle les sociétés contemporaines. Comment raviver l’esprit de Grenade ? Comment s’inspirer de son expérience pour bâtir un avenir fondé sur le dialogue, la tolérance et la reconnaissance de l’autre ?
Les débats ont ainsi ouvert des perspectives sur la nécessité de réhabiliter la mémoire andalouse dans les politiques éducatives, culturelles et patrimoniales du monde arabe. Ils ont également souligné l’importance de renforcer les liens entre les pays de langue arabe et ceux de langue espagnole, dans une logique de coopération et d’échange.
Un rendez-vous incontournable pour la recherche et la mémoire
Organisée sous l’égide du ministère de l’Enseignement supérieur, représenté par l’Université de Kairouan, et du prestigieux Institut supérieur des études appliquées en humanités de Sbeïtla, cette manifestation s’impose désormais comme un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui œuvrent à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine andalou.
À l’heure où les défis identitaires et culturels se multiplient, la redécouverte de Grenade à Sbeïtla sonne comme un appel vibrant à la mémoire, à la réflexion et à l’action. Un pont tendu entre les rives de la Méditerranée, pour que l’héritage andalou continue de vivre, d’inspirer et de rassembler.