Mouvement sans précédent dans le secteur de la santé : les médecins hospitalo-universitaires brandissent la menace de démissions collectives

Mouvement sans précédent dans le secteur de la santé : les médecins hospitalo-universitaires brandissent la menace de démissions collectives

La colère gronde dans les hôpitaux universitaires tunisiens. Suite à une série de réunions tenues dans les facultés de médecine de Monastir, Sousse, Tunis et Sfax, les praticiens hospitalo-universitaires viennent de franchir un cap symbolique en déposant une pétition de démission collective. Ce geste ultime cristallise un malaise profond qui secoue la profession médicale depuis des mois.

Une mobilisation historique
Le mouvement, initié par le Syndicat général des médecins, pharmaciens et dentistes hospitalo-universitaires, marque un tournant dans les méthodes de protestation du corps médical. Les signataires de la pétition dénoncent un système de santé "à bout de souffle", évoquant des conditions de travail "indignes" et des moyens techniques "obsolètes".

Les assemblées générales organisées dans les quatre pôles médicaux du pays ont révélé une unité rarement observée dans le secteur. Les praticiens pointent du doigt l'accumulation de dossiers non résolus : salaires dérisoires, absence de perspectives professionnelles et responsabilités pénales jugées disproportionnées.

Le cas des nourrissons de La Rabta, déclencheur ultime
L'émotion suscitée par les récentes condamnations dans l'affaire des décès de nourrissons prématurés à l'hôpital La Rabta aurait joué un rôle catalyseur. Les praticiens dénoncent une judiciarisation croissante de leur pratique, déconnectée selon eux des réalités matérielles des structures sanitaires.

"Comment exercer sereinement quand les moyens de base font défaut ?", interroge un interne sous couvert d'anonymat. Les manifestants réclament une révision du cadre juridique encadrant les responsabilités médicales, adapté aux contraintes réelles des établissements publics.

Revendications salariales : le ras-le-bol des jeunes praticiens
Au cœur des doléances, la question des rémunérations occupe une place centrale. Les grilles salariales actuelles, oscillant entre 750 et 1 250 dinars mensuels pour les jeunes médecins, sont jugées "inadmissibles" au regard des charges de travail. Les praticiens réclament une revalorisation immédiate alignée sur "la valeur scientifique et l'effort fourni".

Le paiement des heures supplémentaires impayées constitue un autre point d'achoppement. Certains hôpitaux universitaires accumuleraient des arriérés de gardes non rémunérées sur plusieurs années, selon les déclarations des syndicalistes.

Validation des stages : vers plus de transparence
Le système actuel d'homologation des stages hospitaliers fait l'objet de vives critiques. Les praticiens dénoncent l'arbitraire dans l'évaluation des compétences, laissant trop de pouvoir discrétionnaire aux chefs de service. La demande d'un référentiel clair et objectif fait consensus parmi les manifestants.

Cette revendication s'inscrit dans un contexte de défiance croissante envers la hiérarchie médicale, perçue comme complice des dysfonctionnements structurels du système.

Exode massif des compétences : l'urgence d'agir
La menace de départs massifs à l'étranger plane sur les discussions. Les chiffres officiels révèlent que plus de 3 000 médecins ont quitté le pays entre 2017 et 20, principalement vers la France et l'Allemagne. Les jeunes diplômés seraient de plus en plus tentés par cette option face à l'absence de perspectives locales.

Les praticiens en poste réclament des mesures concrètes pour enrayer cette hémorragie : assurance maladie complémentaire, logements de fonction et garanties juridiques figurent parmi les propositions avancées.

La question épineuse du service militaire
Parmi les revendications secondaires mais symboliques, l'exemption du service militaire pour les médecins spécialistes refait surface. Les praticiens estiment que leur contribution au service public de santé devrait valoir dispense automatique, sur le modèle d'autres professions stratégiques.

Cette demande intervient dans un contexte de tension accrue entre les obligations professionnelles et les contraintes administratives, particulièrement pesantes pour les jeunes diplômés.

Impact sur le système de santé
Si ces démissions venaient à se concrétiser, les conséquences seraient dramatiques pour des structures déjà fragilisées. Les hôpitaux universitaires assurent non seulement les soins aux patients, mais aussi la formation des futurs praticiens. Un arrêt brutal de leurs activités pourrait paralyser l'ensemble de la chaîne médicale nationale.

Les services d'urgence, théoriquement épargnés par les mouvements sociaux, pourraient à leur tour être touchés par un effet de contagion si la crise persiste.

Les pistes de sortie de crise
Les négociations en cours avec le ministère de la Santé butent sur plusieurs écueils. Les syndicalistes réclament un engagement écrit sur des mesures immédiates :

  • Révision à la hausse des grilles salariales

  • Mise en place d'un fonds d'indemnisation des risques professionnels

  • Modernisation urgente du parc médical

  • Instauration d'un statut protecteur pour les praticiens hospitalo-universitaires

La balle est désormais dans le camp des autorités sanitaires. Face à cette mobilisation sans précédent, le ministère devra trancher entre un statu quo intenable et des réformes structurelles profondes. L'avenir du système public de santé tunisien se joue dans les prochaines semaines.

Partager cet article