La ville de Gabès s’apprête à franchir un cap historique dans la prise en charge des cancers avec la concrétisation imminente d’un centre d’oncologie de pointe, entièrement financé par la Chine. Selon un responsable du milieu hospitalier local, les dernières étapes préparatoires sont en cours avant le lancement effectif des travaux.
Ce projet, annoncé dès 2021 par le président Kaïs Saïed, répond à un besoin critique dans le sud tunisien, où les infrastructures médicales spécialisées restent limitées. Actuellement, le service d’oncologie de l’hôpital universitaire Mohamed Ben Sassi de Gabès prend en charge près de 400 patients annuels issus des gouvernorats de Gabès, Médenine, Tataouine et Kébili. Mais face à l’augmentation des cas et aux équipements obsolètes, la nécessité d’une structure adaptée s’est imposée comme une urgence.
Un partenariat stratégique tuniso-chinois
L’ambition est claire : doter la région d’un établissement capable d’offrir des traitements complets (radiothérapie, chirurgie oncologique) au lieu de se limiter à la chimiothérapie. Les autorités chinoises, après plusieurs missions d’experts sur place, ont confirmé leur engagement financier et technique. Une délégation s’est rendue à Gabès en août 2023 pour évaluer le site d’implantation, suivi d’une signature officielle de l’étude de faisabilité en janvier 2024 en présence du ministre de la Santé et de l’ambassadeur de Chine.
Les discussions récentes entre les experts chinois et les cadres médicaux gabésiens ont porté sur le renforcement des équipements techniques et l’amélioration des protocoles de soins. « Ce ne sera pas une simple extension des locaux existants, mais une révolution dans l’approche thérapeutique », confie une source hospitalière sous couvert d’anonymat.
Calendrier et enjeux
Si le délai exact du démarrage des travaux n’a pas été officialisé, les dernières indications suggèrent une accélération du processus. La phase de conception architecturale et technique, confiée à des bureaux d’études chinois, serait dans sa phase finale. L’objectif est de créer un pôle de référence intégrant les dernières technologies médicales, mais aussi des espaces dédiés à la recherche épidémiologique, un domaine où Gabès dispose déjà d’une expertise reconnue.
Le futur centre devrait également soulager les familles obligées de se déplacer vers Sfax ou Tunis pour des radiothérapies. « Chaque mois, des patients renoncent à se faire soigner à cause des frais de transport et d’hébergement », déplore un oncologue local.
Impact régional et défis logistiques
Au-delà de l’aspect médical, ce projet s’inscrit dans une dynamique géopolitique. La Chine renforce ainsi son ancrage en Tunisie, après avoir financé d’autres infrastructures sanitaires comme la Cité Médicale Les Aghlabides à Kairouan. Pour Gabès, il s’agit aussi de redynamiser un territoire marqué par les pollutions industrielles, facteur de risque avéré dans plusieurs types de cancers.
Reste à surveiller la capacité du site à absorber l’afflux prévisible de patients. « Il faudra recruter du personnel qualifié et former les équipes existantes aux nouvelles technologies », souligne un cadre du ministère de la Santé. La question du maintien des financements chinois sur le long terme, ainsi que les modalités de transfert technologique, font également partie des points sensibles à clarifier.
Une lueur d’espoir pour les patients
Les associations de lutte contre le cancer accueillent ce projet avec un optimisme prudent. « Enfin, nos enfants pourront être traités près de chez nous », témoigne la mère d’une jeune patiente suivie pour une leucémie. Les professionnels de santé insistent, eux, sur la nécessité de lier ce centre à un réseau national de cancérologie pour harmoniser les protocoles.
Alors que les derniers détails techniques sont peaufinés, une certitude s’impose : ce centre pourrait devenir un modèle de coopération Sud-Sud dans le domaine médical. Reste à transformer l’essai, dans une région où l’attente est à la mesure des souffrances endurées.