Béja : Le Patrimoine en Péril, la Médina Attendra-t-elle une Nouvelle Tragédie ?

Béja : Le Patrimoine en Péril, la Médina Attendra-t-elle une Nouvelle Tragédie ?

Dans les ruelles étroites et chargées d’histoire de la médina de Béja, l’inquiétude grandit. Depuis plusieurs semaines, des voix s’élèvent, réclamant une intervention urgente pour restaurer plusieurs monuments emblématiques de la vieille ville. Associations de la société civile, membres du conseil local de développement et habitants s’unissent pour alerter les autorités : certains édifices menacent ruine, mettant en danger la sécurité des citoyens et la mémoire collective de la région.

Des monuments historiques au bord de l’effondrement

La médina de Béja, connue pour la richesse de son patrimoine architectural et urbain, abrite des joyaux historiques tels que la Grande Mosquée, l’ancienne église, la Kasbah, ainsi que de nombreux mausolées et maisons traditionnelles. Pourtant, la vétusté de ces bâtiments, aggravée par le manque d’entretien et de financement, laisse craindre le pire. Plusieurs sites présentent des fissures inquiétantes, des toitures effondrées ou des murs fragilisés, exposant les passants à des risques réels d’accident.

L’effondrement récent d’un mur dans un lycée de la région voisine, causant la mort de plusieurs élèves, a ravivé les craintes à Béja. Les habitants redoutent qu’un drame similaire ne survienne dans leur propre ville si rien n’est fait rapidement. Ce sentiment d’urgence est partagé par Mohamed Ben Aïch, président de l’association Forum de la Médina, qui appelle à une mobilisation immédiate des autorités locales et nationales pour sauver ce patrimoine en péril.

Des appels à l’action qui peinent à être entendus

Face à la gravité de la situation, des initiatives ont été lancées. L’Institut National du Patrimoine a amorcé des études pour la réhabilitation du palais historique de Béja, tandis que des fonds ont été alloués à la restauration de certains sites archéologiques dans la région. Toutefois, ces efforts restent insuffisants au regard de l’ampleur des besoins. Plusieurs chantiers de restauration, entamés ces dernières années, sont aujourd’hui à l’arrêt, faute de budgets ou de coordination entre les différents acteurs concernés.

Le ministère des Affaires religieuses, en collaboration avec le ministère de la Culture, a également souligné l’importance de restaurer et de valoriser les monuments religieux de Béja, mettant en avant leur potentiel culturel, touristique et économique. Des dossiers d’inventaire ont été préparés pour classer certains édifices au niveau arabe, mais la lenteur des procédures et la complexité administrative freinent la concrétisation des projets.

Un patrimoine menacé, une identité en jeu

Au-delà de la sécurité des habitants, c’est l’identité même de Béja qui est en jeu. La médina, avec ses manuscrits anciens, ses lieux de culte millénaires et ses vestiges archéologiques, témoigne d’un passé où cohabitaient les trois religions abrahamiques. Sa préservation est essentielle pour transmettre aux générations futures la mémoire vivante de la ville et renforcer son attractivité auprès des visiteurs et des chercheurs.

Des universitaires, à l’image du professeur Zouheir Ben Youssef, insistent sur la nécessité d’intégrer la restauration du patrimoine dans la dynamique économique locale. Ils recommandent la reprise des travaux suspendus et la numérisation des manuscrits pour préserver la mémoire régionale. L’exemple de la ville de Djerba, qui a lancé un ambitieux programme de digitalisation de ses archives, est cité comme modèle à suivre.

La société civile en première ligne

L’Association de Sauvegarde de la Médina de Béja, active depuis plusieurs années, multiplie les actions de sensibilisation et de plaidoyer. Elle œuvre pour la protection du cachet architectural original de la médina et la valorisation de ses spécificités historiques. Mais sans un engagement fort de l’État et des autorités locales, ces efforts risquent de rester lettre morte.

Les habitants de Béja, fiers de leur héritage, refusent de voir leur médina sombrer dans l’oubli ou devenir un simple décor de ruines. Ils appellent à une mobilisation générale, à la fois des pouvoirs publics, des bailleurs de fonds et des experts du patrimoine, pour sauver ce qui peut encore l’être.

Vers une prise de conscience collective ?

La situation de Béja n’est pas isolée : dans tout le pays, de nombreux centres historiques font face aux mêmes défis de dégradation et de manque de moyens. Mais l’exemple de la médina de Béja, avec ses appels répétés à l’aide et ses risques imminents, pourrait bien servir d’électrochoc pour une prise de conscience nationale.

Le temps presse. Entre la nostalgie d’un passé glorieux et la peur d’un avenir marqué par la perte irrémédiable de son patrimoine, Béja attend des actes concrets. La question demeure : la ville antique sera-t-elle sauvée à temps, ou faudra-t-il attendre qu’un nouveau drame ne vienne rappeler l’urgence de la situation ?

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