Nouveau projet de loi : prison ferme pour les recruteurs illégaux à l’étranger, le secteur du placement bouleversé

Nouveau projet de loi : prison ferme pour les recruteurs illégaux à l’étranger, le secteur du placement bouleversé

Le paysage du recrutement des Tunisiens à l’étranger s’apprête à vivre un tournant décisif. Face à la multiplication des plaintes pour arnaques, contrats fictifs et extorsion de fonds, le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle finalise un projet de loi inédit visant à encadrer strictement le placement des Tunisiens à l’étranger. Ce texte, qui sera soumis à la présidence du gouvernement dès le mois de mai, promet de bouleverser les pratiques du secteur et d’assurer une meilleure protection des candidats à l’expatriation.

Un contexte alarmant : fraudes et abus en hausse

Depuis plusieurs années, le secteur du placement à l’étranger est miné par des pratiques frauduleuses. Des dizaines de plaintes ont été déposées par des demandeurs d’emploi victimes d’escroqueries, de chantage ou de contrats de travail falsifiés. Rien qu’au premier trimestre 202, 71 affaires de fraude ont été portées devant la justice. Les réseaux sociaux et certains sites internet servent de relais à des sociétés fictives promettant monts et merveilles contre d’importantes sommes d’argent, sans aucune garantie réelle de placement.

Le cadre législatif actuel, en vigueur depuis 20, s’est avéré insuffisant pour endiguer ces dérives. Il se limite à des sanctions administratives et ne prévoit aucune criminalisation explicite des activités de recrutement illégales, ce qui a permis à de nombreux contrevenants d’échapper à la justice.

Des sanctions pénales inédites et dissuasives

Le nouveau projet de loi introduit, pour la première fois, des sanctions pénales lourdes à l’encontre de toute personne ou entité exerçant une activité de recrutement à l’étranger sans autorisation légale délivrée par le ministère de l’Emploi. Selon l’article 16 du texte, toute infraction sera passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans, assortie d’une amende comprise entre 10 000 et 20 000 dinars. Cette mesure vise aussi bien les entreprises fictives que les intermédiaires opérant via internet ou les réseaux sociaux.

Les représentants légaux d’établissements agréés qui se rendraient coupables de fraude – diffusion de contrats fictifs, promesses d’avantages irréalistes – risquent également des poursuites pénales, conformément à l’article 291 du Code pénal, ainsi qu’une amende pouvant atteindre 20 000 dinars.

Lutte renforcée contre l’exploitation et la traite des personnes

Le projet de loi s’appuie sur la loi fondamentale n° 61 de 2016 relative à la prévention de la traite des êtres humains. Toute personne impliquée dans l’exploitation de travailleurs à l’étranger ou dans des activités de recrutement illégales sera poursuivie en vertu de cette législation. Cette disposition vise à protéger les droits fondamentaux des candidats à l’émigration et à empêcher toute forme d’exploitation ou d’abus.

Responsabilité élargie aux médias et plateformes en ligne

Le texte ne se limite pas aux agences de placement. Il prévoit également une amende de 5 000 dinars pour tout média ou site internet publiant ou promouvant des offres d’emploi à l’étranger émanant d’entités non agréées. Les plateformes devront désormais prouver qu’elles disposent d’une licence valide pour diffuser ce type d’annonces. Le ministère de l’Emploi sera habilité à fermer immédiatement tout établissement ou site opérant sans licence et à mener des enquêtes électroniques pour identifier les contrevenants.

Un appel à la vigilance des candidats à l’expatriation

Face à ces évolutions, le ministère de l’Emploi invite tous les Tunisiens souhaitant travailler à l’étranger à ne traiter qu’avec des agences dûment agréées, dont la liste officielle est disponible auprès de l’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant (ANETI). Les candidats sont également encouragés à signaler toute tentative d’arnaque ou de fraude afin de renforcer l’efficacité de la lutte contre ces phénomènes.

Vers un secteur du placement plus transparent et sécurisé

Ce projet de loi marque une étape majeure dans la régulation du placement des Tunisiens à l’étranger. Il vise à restaurer la confiance dans le secteur, à garantir la sécurité des demandeurs d’emploi et à mettre un terme aux pratiques illégales qui ternissent l’image du pays. Les agences opérant dans le respect de la loi pourront ainsi bénéficier d’un environnement plus sain et transparent, au service de la mobilité professionnelle et du rayonnement des compétences tunisiennes à l’international.

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