Les familles de détenus politiques appellent à une mobilisation devant les tribunaux : « Vos jugements ne passeront pas en silence »
Alors que la tension monte d’un cran dans le paysage sociopolitique tunisien, les proches de personnes incarcérées pour des motifs politiques lancent un appel urgent à la mobilisation. Leur message, adressé à l’opinion publique, dénonce des procès qualifiés de « mascarades judiciaires » et exige une justice transparente. « Nous ne laisserons pas vos verdicts se prononcer dans l’ombre », clament-ils, en référence aux récentes audiences entourées de controverses.
La coordination des familles de détenus politiques a multiplié les alertes ces dernières semaines, pointant du doigt des irrégularités procédurales et des conditions de détention jugées inhumaines. Leur dernier communiqué, rendu public ce week-end, réagit à une série d’annonces médiatiques perçues comme des tentatives de légitimation de décisions judiciaires anticipées. « Ce ne sont pas des procès, mais des mises en scène où l’issue est écrite d’avance », accuse un membre de la coordination sous couvert d’anonymat.
Un contexte judiciaire explosif
Les appels à la mobilisation interviennent dans un climat de défiance croissante envers certaines institutions. Vendredi dernier, des dizaines de citoyens ont suivi en direct les débats d’un procès hautement symbolique, décrit par les organisateurs de la manifestation comme « le dernier acte d’une pièce de théâtre mal jouée ». Les images de la salle d’audience, où l’accès aurait été restreint pour certains observateurs indépendants, ont alimenté les critiques sur les réseaux sociaux.
Samedi matin, une dépêche de l’agence Tunis Afrique Presse (TAP) relatant les conclusions du parquet a jeté de l’huile sur le feu. Les familles dénoncent une « communication biaisée » qui, selon elles, chercherait à influencer l’opinion avant même la fin des procédures. « On veut nous voler jusqu’au droit de douter », lance une mère dont le fils purge une peine de cinq ans pour « atteinte à la sûreté de l’État ».
La rue comme ultime recours
Face à ce qu’elles considèrent comme un déni de justice, les familles misent désormais sur la pression populaire. Le rassemblement prévu devant le tribunal doit selon elles « briser l’isolement médiatique » entourant ces affaires. Des collectifs de défense des droits humains devraient se joindre au mouvement, bien que certaines organisations internationales semblent hésiter à s’impliquer publiquement.
Les revendications portent sur trois points clés :
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La transparence des audiences : demande d’enregistrement vidéo intégral des procès
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L’accès aux dossiers : autorisation pour les avocats de consulter librement les preuves
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Les conditions de détention : visite immédiate de cellules par des médecins indépendants
Un test pour la société civile
Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte plus large de crispation autour des libertés fondamentales. Depuis plusieurs mois, des rapports d’ONG locales et internationales documentent une augmentation des arrestations liées à des opinions politiques. Le dernier rapport de l’Observatoire tunisien des libertés publiques fait état de 127 cas de détentions « à caractère politique » depuis janvier 20.
Les autorités, de leur côté, maintiennent le cap. Un porte-parole du ministère de la Justice, joint par nos soins, a réaffirmé « le strict respect des procédures légales » tout en rappelant « l’indépendance de la justice face aux pressions médiatiques ». Pourtant, sur le terrain, les avocats dressent un tout autre tableau. Me Khaled Krichi, défenseur de plusieurs accusés, évoque des « obstacles systématiques » : « On nous refuse l’accès à des pièces essentielles, on reporte les audiences au dernier moment, on intimide les témoins. »
Les réseaux sociaux, nouvelle arène judiciaire
La bataille se joue aussi en ligne. Des comptes anonymes diffusent en boucle des extraits de procès, tandis que des hashtags comme #JusticePourTous ou #ProcèsPolitiques trendent régulièrement. Cette médiatisation parallèle inquiète les défenseurs des droits numériques, qui redoutent une escalade de la censure.
Parmi les voix qui résonnent fortement, celle de la jeune avocate Amal Chebbi, devenue malgré elle symbole de cette lutte : « Quand la loi est instrumentalisée, c’est toute la démocratie qui vacille. Notre combat n’est pas pour des individus, mais pour l’âme de la justice tunisienne. »
Quelle réponse des institutions ?
Alors que la manifestation de vendredi prochain pourrait constituer un tournant, les regards se tournent vers la communauté internationale. L’Union européenne, par la voix de son ambassadeur à Tunis, a exprimé sa « vigilance » quant au respect des droits de la défense. Les États-Unis, par le biais d’un communiqué du département d’État, ont appelé à « préserver les acquis de 2011 ».
Mais pour les familles, ces déclarations ne suffisent plus. « Nous ne voulons pas de compassion, mais des actes », tonne un père de famille, montrant les photos de son fils en détention provisoire depuis onze mois. « La justice doit choisir : être un outil de réconciliation ou un instrument de répression. »
Alors que le pays s’apprête à vivre une semaine judiciaire chargée, une question persiste : jusqu’où iront les deux camps dans cette épreuve de force ? La réponse pourrait bien dessiner le visage de la Tunisie des prochaines années.