« Capitaine America 4 » face au tsunami cinématographique chinois et arabe : qui dominera l’ère post-hollywoodienne ?

« Capitaine America 4 » face au tsunami cinématographique chinois et arabe : qui dominera l’ère post-hollywoodienne ?

Le dernier opus des super-héros Marvel, Capitaine America : Brave New World, affiche un bilan contrasté avec 414 millions de dollars de recettes mondiales depuis sa sortie le 14 février 20. Un score honorable qui masque une réalité plus complexe : l’émergence fulgurante des cinématographies chinoise et arabe redessine les équilibres du box-office international.

Le paradoxe Marvel : succès relatif, désillusion économique
Avec 200 millions de dollars engrangés sur le sol américain et 214 millions à l’étranger, le quatrième volet dédié à Sam Wilson (alias le nouveau Capitaine America) illustre les nouveaux défis des blockbusters hollywoodiens. Le film nécessiterait 425 millions de dollars pour atteindre son seuil de rentabilité, un objectif qui semble hors de portée selon les analystes.

La chute vertigineuse de 68 % des entrées lors du deuxième week-end américain, pire performance MCU depuis The Marvels, interroge sur la lassitude du public envers les super-héros. Pourtant, le long-métrage réalise des scores honorables en Chine (1, millions) et en Corée du Sud (1, millions), signe d’une fidélité asiatique persistante.

L’offensive chinoise : 3 milliards de yuans et des ambitions planétaires
Alors que le film Marvel peine à convertir son budget de 180 millions de dollars, le cinéma chinois affiche une santé insolente. Les productions locales comme The Wandering Earth 3 ou Creation of the Gods 2 trustent les premières places avec des budgets dépassant souvent les 200 millions de dollars, soutenus par un réseau de salles de plus en plus numériques.

L’argument chinois ? Des récits mêlant mythologie ancestrale et technologies de pointe, à l’image du récent Chang’e 6 qui revisite le programme spatial national sous forme de saga épique. Une stratégie payante : le marché chinois pourrait détrôner l’Amérique du Nord comme premier territoire cinématographique mondial d’ici 20.

Le printemps arabe culturel : entre séries Netflix et fresques historiques
Dans le monde arabe, une révolution silencieuse s’opère. Les plateformes de streaming investissent massivement dans des productions locales :

  • Kuwait Rising (MBC) : saga familiale sur fond de choc pétrolier

  • Djazair Chronicles (Netflix) : reconstitution de la guerre d’indépendance algérienne

  • Neom Project (Amazon Prime) : thriller technologique saoudien

Le Maroc s’impose comme hub de production avec des studios dernier cri à Ouarzazate, tandis que la Tunisie séduit les réalisateurs européens grâce à ses décors naturels préservés et son expertise technique.

La bataille des récits : quand l’Orient réécrit l’Histoire
Les cinéastes arabes réinvestissent les grands mythes régionaux :

  1. La réhabilitation de Salah ad-Din dans une coproduction turco-égyptienne

  2. L’épopée des Andalous revisitée par des scénaristes marocains

  3. Les révolutions arabes analysées à travers des docufictions intimes

Une tendance qui séduit les festivals internationaux, à l’image du dernier long-métrage jordanien primé à Venise, Letters from Gaza.

Nouvelles technologies, nouveaux publics
L’adoption massive du streaming 4K et de la réalité virtuelle dans les pays du Golfe donne naissance à des expériences hybrides. Le projet Cinema 360° d’Abu Dhabi propose une immersion sensorielle dans les souks du Caire ou les dunes du désert, fusionnant documentaire et jeu vidéo.

En Chine, les screenX (écrans à 270°) et les salles à parfums olfactifs deviennent la norme pour les sorties nationales. Une innovation qui attire un public jeune, lassé des formats traditionnels.

Le casse-tête des festivals : entre soft power et censure
Alors que le Festival international du film de Shanghai rivalise désormais avec Cannes en termes de stars présentes, les programmateurs européens naviguent entre découvertes artistiques et pressions diplomatiques. La montée en puissance des contenus saoudiens, portés par des budgets illimités, bouscule les équilibres établis.

L’Afrique francophone, nouveau terrain de jeu
Les sociétés de production marocaines et tunisiennes investissent massivement dans l’Afrique subsaharienne :

  • Formation de techniciens locaux via des campus numériques

  • Coproductions panafricaines à petits budgets mais à fort impact social

  • Résidences d’écriture transcontinentales soutenues par l’UNESCO

Le récent succès du film sénégalais Atlantique Nord, tourné entre Dakar et Tunis avec une équipe mixte, préfigure une nouvelle ère de collaborations Sud-Sud.

Quel avenir pour le modèle Marvel ?
Face à cette concurrence multiforme, Hollywood mise sur le régionalisme intelligent :

  • Versions locales de Spider-Man en Inde et au Brésil

  • Intégration de super-héros arabes dans l’univers cinématographique Marvel

  • Partenariats avec des plateformes chinoises pour des spin-offs exclusifs

Le prochain Shang-Chi 2, tourné en partie à Dubaï avec des acteurs émiratis, pourrait être le test décisif de cette nouvelle stratégie.

Épilogue : vers un monde multipolaire du cinéma ?
Alors que Capitaine America 4 symbolise les limites d’un modèle hollywoodien essoufflé, les cartes se redistribuent. Les salles obscures tunisiennes, longtemps dépendantes des sorties françaises, accueillent désormais en avant-première des blockbusters saoudiens sous-titrés en darija.

Cette révolution silencieuse, portée par des milliards de dollars d’investissements et une jeunesse connectée, annonce-t-elle la fin de l’hégémonie culturelle occidentale ? La réponse se niche peut-être dans les salles climatisées de Riyad, les multiplexes high-tech de Shanghai ou les cinémas de quartier réhabilités de Tunis.

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