Tunisie-Japon : un partenariat stratégique à l’heure des grands défis économiques

Tunisie-Japon : un partenariat stratégique à l’heure des grands défis économiques

Le ministre de l’Économie et de la Planification, Samir Abdelhafidh, a rencontré ce lundi l’ambassadeur du Japon en Tunisie, Takeshi Osuga, en présence de la directrice du bureau de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA). Cette entreprise diplomatique, loin d’être une simple formalité, dessine les contours d’une alliance économique renouvelée entre les deux pays à l’approche d’échéances internationales majeures.

Les projets en lice : énergie solaire et infrastructures
Au cœur des discussions, l’avancement des projets financés par le Japon occupe une place centrale. Les deux centrales solaires de 50 MW chacune à Sidi Bouzid et Tozeur, bénéficiant d’un financement japonais de près de 80 millions de dinars, symbolisent cette coopération énergétique. Ces installations, qui devraient réduire les émissions de CO₂ de près de 100 000 tonnes annuellement, s’inscrivent dans une vision à long terme de transition écologique.

Le volet infrastructurel n’est pas en reste. Les échanges ont porté sur l’accompagnement technologique nippon dans des projets structurants, notamment dans les domaines de la santé et des transports. La modernisation des hôpitaux régionaux, évoquée parallèlement dans les récentes réunions gouvernementales, pourrait trouver un écho favorable auprès des partenaires japonais.

TICAD 9 : préparation d’une plateforme africaine
À six mois de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 9), prévue en août 2025 à Yokohama, les deux parties affûtent leurs arguments. La Tunisie, hôte de la TICAD 8 en 202, entend capitaliser sur son statut de pont entre l’Afrique et l’Europe. L’enjeu est de taille : positionner les entreprises tunisiennes comme relais privilégiés des investissements japonais sur le continent.

L’ambassadeur Osuga a salué le rôle « pivot » de la Tunisie, soulignant les convergences dans des secteurs clés comme l’eau, l’agriculture intelligente et les biotechnologies. Ces thématiques constitueront l’épine dorsale du pavillon tunisien à l’Exposition universelle d’Osaka 202, dont l’inauguration approche à grands pas.

L’accord d’investissement : un levier juridique attendu
Parmi les dossiers sensibles évoqués, l’accord bilatéral de protection et de promotion des investissements cristallise les attentions. Ce texte, en gestation depuis plusieurs années, vise à sécuriser les flux financiers et à stimuler les joint-ventures. Les négociateurs tunisiens misent sur une finalisation avant la TICAD 9 pour envoyer un signal fort aux investisseurs nippons.

Les discussions ont également abordé le renforcement des mécanismes de transfert technologique, notamment dans l’industrie automobile et les énergies renouvelables. Le modèle japonais de formation professionnelle, combinant savoir-faire technique et discipline industrielle, pourrait inspirer des réformes locales.

70 ans de relations diplomatiques : un cap symbolique
À l’horizon 202, la Tunisie et le Japon célébreront sept décennies de relations diplomatiques. Cet anniversaire coïncide avec le 50ᵉ anniversaire de la coopération avec la JICA, marqué par plus de 1 800 formations offertes à des Tunisiens depuis 1. Le ministre Abdelhafidh a plaidé pour une « capitalisation accélérée » de ce vivier de compétences, notamment dans le numérique et l’intelligence artificielle.

L’entretien a par ailleurs souligné l’importance croissante de la coopération décentralisée. Les jumelages entre universités et collectivités locales des deux pays pourraient se multiplier, avec un focus sur la gestion durable des ressources hydriques.

Les défis persistants : bureaucratie et continuité
Malgré l’optimisme affiché, les obstacles ne sont pas occultés. La lourdeur administrative tunisienne et les retards dans l’exécution des projets financés par la JICA restent des points de friction. La partie japonaise a insisté sur la nécessité d’une « agilité décisionnelle » pour respecter les calendriers serrés des mégaprojets.

La question épineuse du service militaire des jeunes diplômés formés au Japon a également été abordée. Les entreprises nippones réclament une clarification du statut de ces profils hautement qualifiés, essentiels au transfert technologique.

Perspectives 2025-2026 : un agenda chargé
La feuille de route commune prévoit plusieurs temps forts :

  • Avril 2025 : finalisation des dossiers pour l’Expo Osaka

  • Juin 2025 : mission commerciale tunisienne à Tokyo

  • Août 2025 : participation tunisienne à la TICAD 9

  • Septembre 2025 : forum tuniso-japonais sur l’économie circulaire

  • 2026 : célébrations du 70ᵉ anniversaire diplomatique

Ce partenariat, qui transcende l’aide au développement classique, s’oriente vers une logique de co-investissement. Les récentes annonces japonaises dans le solaire tunisien, couplées aux ambitions tunisiennes en matière d’hydrogène vert, pourraient faire émerger de nouvelles chaînes de valeur transnationales.

La présence conjointe de la JICA et du ministère de l’Économie lors de cette rencontre souligne une volonté d’aligner les instruments de coopération avec les priorités nationales. Reste à traduire cette dynamique en réalisations tangibles pour les populations, alors que la Tunisie navigue entre urgences économiques et mutations géopolitiques régionales.

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