Coup de tonnerre judiciaire : les lourdes condamnations dans l’affaire du « complot contre la sûreté de l’État » dévoilées

Coup de tonnerre judiciaire : les lourdes condamnations dans l’affaire du « complot contre la sûreté de l’État » dévoilées

La scène politique tunisienne a été secouée par le verdict retentissant rendu tard dans la nuit du vendredi 18 avril par la cinquième chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme du tribunal de première instance de Tunis. Ce procès, inédit tant par le nombre d’accusés que par la gravité des charges, s’est soldé par des peines de prison allant de 4 à 66 ans à l’encontre de 37 personnalités, dont de nombreux opposants politiques, avocats, journalistes et figures publiques.

Un procès hors norme sous haute tension

L’affaire, qualifiée de « complot contre la sûreté de l’État », a mobilisé l’attention du pays et suscité de vives réactions au sein de la société civile et de la classe politique. Les audiences se sont déroulées dans un climat de tension extrême, sous forte protection policière, et en l’absence de journalistes, d’organisations de défense des droits humains et de représentants diplomatiques. Cette opacité a alimenté la polémique autour du respect des droits de la défense et des procédures judiciaires, plusieurs avocats dénonçant une « mascarade » et une « violation flagrante » des droits fondamentaux des accusés.

Des peines exemplaires pour des chefs d’accusation multiples

Les charges retenues contre les accusés sont d’une gravité exceptionnelle : complot contre la sûreté de l’État, adhésion à une organisation terroriste, tentative de changement de régime, incitation à la violence, troubles à l’ordre public, meurtres, pillages liés à des actes terroristes, ainsi qu’atteinte à la sécurité alimentaire et à l’environnement. Les condamnations reflètent la sévérité de l’appareil judiciaire face à ce que les autorités considèrent comme une menace directe contre l’État.

Liste des principales condamnations

Parmi les condamnés, plusieurs noms retiennent particulièrement l’attention :

  • Kamel Ben Youssef Ben Slimane Letaïef (détenu) : 66 ans de prison, la peine la plus lourde du procès, considéré comme l’un des principaux instigateurs du complot.

  • Mohamed Khayam Ben Brahim Ben Moustafa Turki (détenu) : 48 ans de prison.

  • Noureddine Abdallah Salem Bhiri (détenu) : 43 ans de prison.

  • Issam Ben Abdelaziz Ben Ahmed Chebbi, Jawher Ben Ezzedine Ben Mohamed Lahbib Ben Mbarek, Ghazi Ben Mohamed Ben El Hédi Chaouachi, Ridha Ben Bachir Mohamed Belhaj (tous détenus) : 18 ans de prison chacun.

  • Abdelhamid Ben Kader Ben Mohamed Jlassi (détenu), Mohamed Bachir Mohamed El Bedoui (en liberté) : 13 ans de prison chacun.

  • Hattab Slama : 4 ans de prison.

Pour les accusés en fuite, la justice a prononcé des peines de 33 ans de prison avec exécution immédiate. Parmi eux, des personnalités telles que Ali Mahjoub Mohamed El Hlioui, Hamza Mohamed Rjab Ali El Meddeb, Kawther Mohamed El Kamel Amara El Daassi, Bernard-Henri Lévy (intellectuel français cité dans le dossier), Bouchra Belhaj Hmida, et d’autres figures connues de la société civile et politique tunisienne.

Des réactions en chaîne et un climat politique tendu

Le verdict a provoqué une onde de choc dans le pays. Les familles des condamnés, les collectifs de défense et de nombreux observateurs dénoncent ce qu’ils qualifient de « tragédie judiciaire » et de « pièce de théâtre médiocre ». Certains accusés sont emprisonnés depuis leur arrestation il y a deux ans, d’autres étaient en liberté provisoire, tandis qu’une partie vit désormais en exil à l’étranger.

La coordination des familles de détenus politiques a exprimé sa profonde indignation, pointant du doigt une justice instrumentalisée à des fins politiques. Plusieurs organisations nationales et internationales de défense des droits humains s’inquiètent de la dérive autoritaire que pourrait représenter ce procès emblématique.

Un verdict qui marque un tournant

Ce procès, par son ampleur et la sévérité des peines prononcées, marque un tournant dans l’histoire judiciaire et politique du pays. Il illustre la crispation du climat politique tunisien et pose de nombreuses questions sur l’avenir du dialogue national, la place de l’opposition et le respect des libertés fondamentales dans la Tunisie d’aujourd’hui.

Alors que la société tunisienne attend des éclaircissements officiels et que les recours en justice sont d’ores et déjà annoncés, l’affaire du « complot contre la sûreté de l’État » restera sans doute longtemps dans les mémoires comme l’un des épisodes les plus controversés de la vie politique contemporaine.

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