La question de la sécurité alimentaire revient avec insistance sur le devant de la scène nationale. Le constat est sans appel : la Tunisie s’appuie de plus en plus sur les importations de céréales pour subvenir aux besoins de sa population, un phénomène qui suscite de vives préoccupations au sein des milieux agricoles et gouvernementaux. La dépendance croissante à l’égard des marchés internationaux pour l’approvisionnement en blé, orge et autres céréales essentielles est désormais perçue comme un défi majeur, voire un risque stratégique pour le pays.
L’agriculture tunisienne, longtemps considérée comme le pilier de la sécurité alimentaire, traverse aujourd’hui une période délicate. Plusieurs campagnes céréalières consécutives ont été marquées par des récoltes inférieures aux attentes, en raison de conditions climatiques défavorables, notamment la sécheresse persistante qui sévit dans de nombreuses régions du pays. Le manque de précipitations, conjugué à une gestion délicate des ressources hydriques, a eu un impact direct sur les rendements des principales cultures céréalières.
Cette situation a contraint la Tunisie à accroître ses importations de céréales, notamment de blé tendre et dur, afin de garantir l’approvisionnement du marché local et d’éviter toute rupture dans la chaîne de distribution. Mais cette solution, si elle permet de pallier l’urgence, expose le pays à de nouveaux risques. La volatilité des prix sur les marchés mondiaux, les tensions géopolitiques et les perturbations logistiques qui affectent régulièrement le commerce international des céréales rendent l’approvisionnement extérieur incertain et coûteux.
L’impact de cette dépendance se fait ressentir à plusieurs niveaux. Sur le plan économique, la facture des importations céréalières pèse lourdement sur la balance commerciale du pays, déjà fragilisée par un déficit chronique. Les fluctuations des prix à l’international peuvent entraîner une hausse soudaine des coûts, mettant à mal les équilibres budgétaires et grevant le pouvoir d’achat des consommateurs tunisiens. Sur le plan social, la sécurité alimentaire de millions de citoyens dépend désormais de facteurs extérieurs, échappant largement au contrôle des autorités nationales.
Face à cette réalité, la question de la souveraineté alimentaire s’impose avec acuité. Les experts s’accordent à dire que la Tunisie doit impérativement repenser sa politique agricole pour réduire sa vulnérabilité. Parmi les pistes envisagées, le renforcement de la production locale de céréales apparaît comme une priorité. Cela passe par une modernisation des techniques agricoles, une meilleure gestion de l’eau, l’introduction de variétés plus résistantes à la sécheresse et le soutien accru aux agriculteurs, notamment à travers des subventions ciblées et des facilités d’accès au crédit.
La diversification des sources d’approvisionnement est également évoquée comme une mesure de précaution. En multipliant les partenaires commerciaux et en négociant des accords à long terme, la Tunisie pourrait limiter les risques liés à la concentration de ses achats auprès de quelques fournisseurs. Parallèlement, le développement de filières alternatives, telles que les cultures fourragères ou les légumineuses, pourrait contribuer à alléger la pression sur les céréales importées.
Le défi est d’autant plus grand que la demande intérieure ne cesse de croître, portée par l’augmentation de la population et l’évolution des habitudes alimentaires. Les autorités sont ainsi confrontées à un double impératif : répondre aux besoins immédiats tout en préparant l’avenir. La réussite de cette transition dépendra de la capacité du pays à mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur agricole, à encourager l’innovation et à instaurer un climat de confiance propice à l’investissement.
La dépendance aux importations de céréales n’est pas un phénomène nouveau, mais elle prend aujourd’hui une dimension inédite, à la faveur des bouleversements climatiques et géopolitiques qui affectent la planète. Pour la Tunisie, il s’agit désormais d’un enjeu de souveraineté nationale, qui exige des réponses rapides, concertées et durables. Les prochains mois seront déterminants pour savoir si le pays saura relever ce défi et garantir à ses citoyens une sécurité alimentaire à la hauteur de leurs attentes.